Les dangers dus à la chenille processionnaire sont nombreux, et accentués par leur expansion continue. Le changement climatique leur offre en effet plus de conditions favorables, elles qui craignent les hivers très froids. C’est lors des processions de ces chenilles, entre la fin de l’hiver et le milieu du printemps, que les risques sont les plus élevés. Elles migrent à ce moment là de leur arbre jusqu’au sol afin d’y entrer en nymphose. Malheureusement, les poils urticants dont elles sont abondamment dotées sont facilement dispersés, restant dans l’air, dans les nids, sur le sol. Les dangers de contact, d’inhalation ou encore d’ingestion, par l’homme ou par les animaux, sont de ce fait étendus sur de longs mois. Et la gravité des symptômes, chez les uns et chez les autres, sont le plus souvent à considérer comme des urgences médicales..

Les dangers de la chenille processionnaire

Portrait

La processionnaire du pin est, au stade adulte, un papillon nocturne à l’aspect très commun : ailes gris cendré, ornées de bandes sombres marquées pour le mâle, plus légères pour la femelle, une taille de 35 à 40 mm. La femelle, plus grosse que le mâle, affiche un abdomen cylindrique et des antennes très fines. Le mâle, lui, montre un abdomen étroit, terminé par une sorte de pinceau d’écailles, et des antennes pectinées (semblables à un peigne).
La femelle pond durant l’été, environ 200 œufs qu’elle dispose autour de quelques aiguilles de pin. Elle les recouvre d’écailles abdominales pour les protéger d’éventuels prédateurs, faisant ressembler sa ponte à un manchon beige ou brun nacré de 2 à 3 cm.
Les chenilles naissent entre 30 et 45 jours plus tard et parviendront au terme de leur développement après 5 stades larvaires. Ceux-ci seront plus ou moins rapides en fonction des températures.
Les chenilles processionnaires du pin sont très velues, leur corps noir orné de touffes de poils ocres qui brunissent peu à peu et de touffes de longs poils blancs. Elles mesurent environ 3 mm à leur naissance, jusqu’à 40 mm au dernier stade. Elles ont la particularité de se déplacer uniquement en procession, toujours en contact avec celles qui les précèdent.
Durant les 3 premiers stades, les chenilles vont de rameaux en rameaux pour se nourrir des aiguilles de pin, laissant ça et là des nids temporaires tissés qu’elles ont utilisé pour s’abriter. Le 4e stade arrive normalement en automne, en même temps que les températures baissent. Elles construisent alors leur nid d’hiver, bien épais, le plus souvent à l’extrémité des branches pour profiter de la chaleur du soleil. Elles continueront à sortir pour s’alimenter jusqu’à ce qu’il fasse trop froid. Ce nid est assez volumineux, jusqu’à 20 cm.
Au printemps, entre février et mai les chenilles, alors au stade 5, sortiront de leur nid et descendront de l’arbre pour aller s’enterrer dans le sol afin d’y réaliser leur nymphose.
Elles cherchent un endroit chaud et ensoleillé, leur procession durera tant qu’elles ne l’auront pas trouvé. C’est le seul moment où les chenilles se séparent, elles creusent en effet chacune leur trou. La chrysalide pourra rester en diapause plusieurs années. On constate en effet que les chenilles vont être extrêmement nombreuses durant 2 à 3 ans (dans une zone donnée), puis une période durant laquelle leur population sera beaucoup moins dense.

Une expansion liée au climat

Sensible aux hivers rigoureux (en-deçà de -16°, la colonie meurt), la processionnaire du pin était il y a 40 ans cantonnée aux régions situées au sud de la Loire. Changement climatique faisant, elle est peu à peu remontée vers le nord, gagnant environ 5 km par an jusqu’en 2011 (l’accroissement de son aire de répartition est d’ailleurs un des indicateurs de ce changement climatique)..
On a assisté ces dernières années à des dégâts sur des essences qui, jusque là, n’étaient pas colonisées : mélèze, genévrier, épicéa… Des processions décalées ont lieu du fait de conditions climatiques elles aussi décalées et d’une population trop nombreuse..

Des poils urticants dangereux

C’est au 3e stade que se forment les poils urticants des chenilles. Contrairement à ce que l’on pourrait penser en les voyant, ce ne sont pas ces longs poils blancs, ni les touffes de poils moyens bruns qui sont responsable des réaction allergiques provoquées par ces larves. Les poils urticants sont en réalité des micro-poils de moins de 2 mm, situés au cœur des touffes de poils, dans des poches que l’on appelle miroirs. La totalité des plages urticantes d’une chenille peut compter jusqu’à 1 million de micro-poils. Ceux-ci seront projetés dans l’air par la chenille si elle se sent en danger. Extrêmement légers, ils peuvent rester en suspension dans l’air et être dispersés par le vent.
Ces poils minuscules sont formés comme des harpons, afin de ne pas pouvoir sortir de la peau de leur “adversaire”. Ils sont empoisonnés, portant une protéine extrêmement urticante, la thaumétopoéïne. Au moindre frottement, ces poils se cassent, libérant la toxine. Celle-ci se montre redoutable autant pour les êtres humains que pour les animaux, tous pouvant être atteints au niveau de l’épiderme, des yeux ou des voies respiratoires..

La chenille processionnaire et les arbres

Les résineux qui forment tout à la fois le gîte et l’abri à ces chenilles sont sévèrement défoliés lorsque les colonies sont nombreuses. La vie de l’hôte n’est pas en danger lorsqu’il est vigoureux, mais les défoliations de processionnaires qui se succèdent année après année vont progressivement affaiblir l’arbre, pouvant aller jusqu’à son dépérissement..

La chenille processionnaire et les animaux

Les poils urticants libérés par les chenilles processionnaires sont un grand danger pour nombre d’animaux. Les animaux sauvages bien sûr mais aussi le bétail et autres animaux de ferme ou domestiques comme les chevaux ou les poules, les chats ou les chiens.

Les chevaux

Le danger de la chenille processionnaire pour les chevaux est important, comme pour tous les herbivores. Ils peuvent récolter des poils urticants lorsqu’ils broutent, mais aussi tout simplement en se reposant sous un résineux.
Si l’épiderme du cheval est touché, il va montrer des irritations sous forme de boutons ou de cloques, qui vont s’étendre car il va briser un plus grand nombre de poils en se grattant.
Si le cheval broute à un endroit où est passé une procession, la quantité de poils qu’il va ingérer peut être extrêmement importante. Il risque la nécrose de la langue, des babines ou d’autres muqueuses de la bouche. Les parties envenimées durcissent, puis elles se mettent à enfler et à prendre une teinte noirâtre. Le cheval risque également de présenter d’importantes difficultés respiratoires. L’ingestion de ces poils peut aussi entraîner des problèmes rénaux et des défauts de coagulation.
L’inhalation est également possible, entraînant une obstruction des voies respiratoires. Au niveau des yeux, il peut y avoir développement d’une conjonctivite et risque de cécité car les poils sont capables de migrer dans les tissus oculaires.
Il arrive que le pronostic vital du cheval soit engagé, surtout s’il y a une attente entre l’ingestion et la visite du vétérinaire. Le contact entre le cheval et des poils de chenilles processionnaires constitue donc une urgence vétérinaire, et de la rapidité de votre réaction dépendra la santé de votre cheval car les symptômes évoluent très vite.

Les poules

Il semble que la chenille processionnaire du pin ne soit pas un danger pour les poules. En effet, celles-ci ne sont absolument pas intéressées par cet insecte. Lorsqu’on en propose à ces gallinacées, elles les délaissent, que ce soit d’ailleurs des processionnaires du pin ou d’autres chenilles semblablement poilues et urticantes. Il peut par contre arriver qu’une poule marche sur une chenille processionnaire, ou sur des poils urticants laissés par la larve, mais les écailles qui recouvrent ses pattes la protègent.

Les chiens et chats

Comme le cheval, les chiens sont de fréquentes victimes des micro-poils empoisonnés des chenilles processionnaires, qui sont un vrai danger pour eux. La gueule est la principale partie du corps touchée : le chien peut tout aussi bien renifler ou manger une chenille, sentir les traces qu’elle a laissé, ou se lécher parce qu’il a marché dessus. La langue enfle et le chien se met à baver, il peut y avoir une nécrose, des atteintes respiratoires. Plus grave encore si des poils atteignent le système digestif. L’animal peut également faire un choc allergique. Tout contact d’un chien avec des chenilles ou leurs poils est donc également une urgence vétérinaire.
Le chat, lui, est plus prudent, mais lorsque cela arrive, les risques et l’urgence sont les mêmes.

La chenille processionnaire et l’homme

Quel danger la chenille processionnaire peut-elle représenter pour l’homme ?
Malheureusement, comme pour les animaux, il n’y a pas besoin d’un contact direct avec les chenilles pour qu’il y ait un risque allergique. Les poils peuvent être disséminés par le vent, dispersés lorsque vous tondez votre pelouse… Vous pouvez également entrer en contact ou les respirer en voulant ôter un nid.

Les symptômes

Si votre peau a été en contact avec des poils urticants : la réaction peut mettre jusqu’à 8 heures pour se présenter, et durer ensuite quelques jours. Des éruptions semblables à des boutons apparaissent, douloureuses et qui provoquent des démangeaisons sévères. Les poils se dispersent facilement, soit lorsque vous vous grattez, soit par le contact avec les vêtements. Chaque frottement va aggraver l’urticaire, en cassant des poils qui vont ainsi pouvoir libérer la thaumétopoéïne qu’ils contiennent. La sueur est également un facteur de dispersion, de plus elle favorise la pénétration des poils sous la peau.
Un contact avec les yeux entraînent une forte conjonctivite (paupières et contour des yeux rouges et enflés) entre 1 et 4 heures après. Si les poils migrent à l’intérieur de l’œil, il peut y avoir des atteintes oculaires sévères qui peuvent aller jusqu’à la cécité.
L’inhalation de poils urticants est très irritante pour les voies respiratoires : éternuements, difficultés à déglutir voire à respirer, les symptômes peuvent être semblables à une crise d’asthme. Les poumons peuvent être atteints.
L’ingestion de poils représente le plus gros danger : l’inflammation des muqueuses de la bouche s’accompagnent d’une hypersalivation, celle du système digestif de vomissements de douleurs abdominales.
Dans les situations les plus graves, un choc anaphylactique peut survenir, avec mise en danger des fonctions vitales.

Que faire ?

Les atteintes uniquement locales ne nécessitent pas une hospitalisation d’urgence à moins d’être sévères). Quelques gestes pour ôter les poils de la peau :

  • Rincez abondamment la zone atteinte puis lavez avec du savon.
  • Les vêtements seront enlevés avec précaution. N’hésitez pas à utiliser des gants et un masque, ainsi qu’à fermer les yeux. Ces vêtements devront ensuite être lavés à température maximum, et si possible séchés au sèche-linge.
  • Brossez-vous les cheveux soigneusement, la tête en bas au-dessus du bac à douche (n’oubliez pas ensuite de rincer la douche).
  • Du scotch peut être utilisé pour enlever les poils de l’épiderme.

Une visite chez le médecin pourra soulager la douleur et les démangeaisons, grâce à des prescriptions d’antihistamiques. De l’eau vinaigrée peut soulager l’irritation. Dans tous les cas, en présence de symptômes tels que vomissements, fièvre, vertiges, présentez-vous aux urgences.

L’intervention médicale

Une atteinte oculaire demandera l’intervention d’un ophtalmologue. Celui-ci va commencer par rincer soigneusement l’œil après avoir appliqué un anesthésiant. Si des poils sont installés dans les tissus, une intervention chirurgicale sera indispensable.
Une inhalation va notamment nécessiter, selon la gravité, des antihistaminiques et/ou des corticoïdes.
Après l’ingestion de poils urticants, le médecin va racler les muqueuses pour en ôter le plus grand nombre, mais une endoscopie reste nécessaire dans la plupart des cas pour ôter les poils enfoncés dans les muqueuses, que ce soit au niveau de la bouche ou plus loin, dans l’œsophage ou la gorge.

En prévention

Il est important de prendre toutes les précautions si vous vous trouvez dans une zone sensible :

  • Ne tondez pas le gazon sans avoir abondamment arrosé après qu’aient eu lieu des processions.
  • N’étendez pas le linge à l’extérieur au printemps.
  • Si vous avez des résineux avec chenilles dans votre jardin, il est judicieux de prévoir de les élaguer. En attendant, évitez au maximum la proximité avec ces arbres, en particulier pour les enfants.
  • N’essayez pas de déplacer un nid, même vide, faites appel à des professionnels qui possèdent l’équipement adéquat. Une action inadaptée ou réalisée dans de mauvaises conditions, ou encore au mauvais moment (les miroirs ne se forment qu’à partir du 3e stade) contre ces nids peut entraîner une dispersion de poils dans l’environnement. Et ceux-ci peuvent rester “actifs” durant des années.

Attention : une répétition des contacts avec la chenille processionnaire entraîne à chaque fois une aggravation des réactions..

Comment s’en prémunir ?

Pour limiter les dangers de la chenille processionnaire, pour l’homme comme pour les animaux, il existe heureusement quelques traitements et/ou gestes :

  • La destruction des chrysalides : n’agissez pas pendant la procession, le risque de dispersion des poils est trop important car tout danger provoque la libération de ces poils en grande quantité. Attendez plutôt que les chenilles soient entrées en nymphose, 1 mois après la procession au minimum. Pensez à repérer là où elles s’enterrent à la fin de la procession. Au moment d’agir, équipez-vous avec des manches longues, des gants, couvrez-vous la tête et protégez surtout vos yeux et vos voies respiratoires. Arrosez la zone, afin de ne pas disperser les poils, déterrez les chrysalides et brûlez-les. Placez-vous contre le vent, aussi bien au moment de déterrer que de brûler. Une fois la destruction menée à bien, vous arroserez copieusement et fréquemment cette zone et le passage de la procession pour que les poils partent sous terre..
  • Le collier Écopiège : il s’agit d’une sorte de gouttière réutilisable qui se place tout autour de l’arbre avant la procession et qui va empêcher les chenilles d’arriver jusqu’au sol (elles sont programmées pour rejoindre le sol, donc dans l’incapacité de remonter). Un trou au fond de la gouttière relié au sac de collecte permet de stocker les chenilles. Une fois la procession terminée, le sac est incinéré..
  • Les nichoirs à mésanges : la mésange charbonnière est le principal prédateur de la chenille processionnaire du pin, elle peut ravager un nid en totalité, notamment en période de nourrissage. Favoriser sa présence dans votre jardin est donc une garantie contre la présence de la processionnaire. Plus généralement, favorisez la biodiversité en attirant de nombreux auxiliaires : oiseaux de toutes espèces, chauves-souris, araignées sont également des prédateurs occasionnels de ce nuisible (et d’autres espèces de ravageurs) dont il est important de privilégier la présence.
  • Les pièges à phéromones : ils permettent la capture des mâles de la processionnaires, limitant le nombre de femelles fécondées. Ils utilisent les phéromones sexuelles des femelles pour attirer les mâles.. Votre Coop’ vous propose des pièges à phéromones PROTECTA ou BIOTOP..
  • Le Bt, bacille de Thuringe : à utiliser seulement en derniers recours car il n’est pas spécifique à la chenille processionnaire, s’attaquant également aux autres lépidoptères. La bactérie est ingérée par la chenille et paralyse son système digestif grâce à la libération d’une toxine..

N’hésitez pas à combiner les diverses méthodes pour éviter au maximum les dangers provoqués par la chenille processionnaire.

Le saviez-vous ? La chenille processionnaire du pin n’est pas la seule processionnaire. Dans le genre Thaumetopoea, on connaît également la processionnaire du chêne qui sévit également en Europe occidentale. Elle provoque le même type de réactions allergiques, autant chez l’homme que chez l’animal. par contre elle ne descend jamais au sol. On trouve également des processionnaires en Europe centrale, au Proche Orient, en Afrique du Nord..

Conclusion

Les effets du réchauffement climatique ne se cantonnent pas aux températures et aux divers phénomènes météorologiques. Ils ont également des effets marqués sur notre environnement, par exemple en permettant l’expansion des zones colonisées par certains nuisibles. C’est grâce aux hausses de températures que la chenille processionnaire est sortie des frontières de son sud originel pour migrer de plus en plus haut vers le nord. Relativement dangereuse pour les résineux qu’elle défolie à satiété, elle est par contre très dangereuse pour de nombreux mammifères et autres êtres vivants, à cause des réactions allergiques sévères que déclenchent ses poils urticants. Certains y sont particulièrement sensibles, chevaux, chiens et hommes notamment. Nécrose, détresse respiratoire, cécité, problèmes rénaux, choc anaphylactique avec pronostic vital engagé… La chenille processionnaire du pin représente un danger avéré..!!